La Revue Française de Psychanalyse

Freud dans le texte
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FREUD DANS LES TEXTES | Numéro 2021-2 Traduire

L’interprétation du rêve (1900)

OCF-P, IV, p. 665-666, Paris, Puf, 2003

L’inconscient et la conscience. La réalité

Si nous y regardons de plus près, l’hypothèse qui nous a été suggérée par les discussions psychologiques des sections précédentes, ce n’est pas l’existence de deux systèmes près de l’extrême motrice de l’appareil, mais bien celle de deux sortes de processus ou de deux types de cours de l’excitation. Cela nous serait indifférent ; car nous devons toujours être prêts à laisser tomber nos représentations auxiliaires si nous nous croyons en position de les remplacer par quelque chose d’autre qui serait plus proche de la réalité effective inconnue. Essayons maintenant de rectifier quelques vues qui pouvaient se former par malentendu aussi longtemps que nous envisagions les deux systèmes au sens le plus immédiat et le plus grossier comme deux localités à l’intérieur de l’appareil animique, vues qui ont laissé derrière elles leur précipité dans les expressions « refouler » et « pénétrer ». Lorsque donc nous disons qu’une pensée inconsciente tend à la traduction dans le préconscient pour pénétrer alors jusqu’à la conscience, nous ne voulons pas dire qu’une deuxième pensée, située en un nouvel endroit, doit être formée, une retranscription en quelque sorte, à côté de de laquelle l’original continue d’exister ; et même pour ce qui est de la pénétration jusqu’à la conscience, nous voulons en détacher soigneusement toute idée d’un changement de lieu. Lorsque nous disons qu’une pensée préconsciente est refoulée et ensuite accueillie par l’inconscient, ces images empruntées à la sphère des représentations du combat pour un territoire pourraient nous induire à faire l’hypothèse qu’effectivement dans l’une des localités psychiques un ordonnancement est dissous pour être remplacé par un nouveau dans l’autre localité. À la place de ces comparaisons, nous posons, ce qui semble mieux correspondre à l’était des choses réel, qu’un investissement d’énergie est reporté sur un ordonnancement déterminé ou est retiré de celui-ci, de sorte que la formation psychique tombe sous la domination d’une instance ou lui est soustraite. Nous remplaçons ici de nouveau un mode représentation topique par un mode de représentation dynamique ; ce n’est pas la formation psychique qui nous apparaît comme étant l’élément mobile, mais son innervation[1].

Cependant, je tiens pour approprié et justifié de continuer de recourir à la représentation visuelle des deux systèmes. Nous échapperons à tout mauvais emploi de ce mode de présentation si nous nous souvenons que les représentations, pensées, formations psychiques en général, ne doivent absolument pas être localisées dans des éléments organiques du système nerveux, mais au contraire pour ainsi dire entre eux, là où résistances et frayages constituent le corrélat correspondant à ces formations. Tout ce qui peut devenir objet de notre perception interne est virtuel, comme l’image donnée par le trajet des rayons lumineux dans la longue-vue. Quant aux systèmes qui ne sont eux-mêmes rien de psychique et ne deviennent jamais accessibles à notre perception psychique, nous sommes en droit de supposer qu’ils sont semblables aux lentilles de la longue-vue qui projettent l’image. Pour poursuivre cette comparaison, la censure entre deux systèmes correspondrait à la réfraction des rayons lors du passage dans le nouveau milieu.

[1] [Note ajoutée en 1925 :] Cette conception fut remaniée et modifiée après que l’on eut reconnu que le caractère essentiel d’une représentation préconsciente est la liaison avec des restes de représentations de mot (L’inconscient [« das Unbewußte », GW, X ; OCF.P, XIII], 1915).