La Revue Française de Psychanalyse

À propos du Colloque René Diatkine : rencontre avec Paul Denis

À propos du Colloque René Diatkine : rencontre avec Paul Denis

Le « Colloque René Diatkine », anciennement « Colloque de Deauville », a été dirigé successivement par René Diatkine qui en a eu l’initiative, André Green, Jean-Luc Donnet, Paul Denis et actuellement par Jean Louis Baldacci.

Paul Denis est membre titulaire formateur de la SPP, ancien directeur de la Revue française de psychanalyse et co-directeur de la collection « Le fil Rouge » aux Puf.

 

RFP : Quand avez-vous pris la direction du colloque René Diatkine ? Qu’est-ce que ce colloque représentait pour vous à ce moment-là ?

Paul Denis : J’ai été candidat à la Direction du colloque à la fin du mandat de Jean-Luc Donnet qui était secondé par Françoise Coblence. Leurs huit années de mandat, après les six années pendant lesquelles André Green a animé le colloque, ont été très fécondes, et les thèmes choisis très porteurs ; il suffit de consulter les titres et sommaires des huit n°3 de la RFP datés de 2006 à 2013 pour se rendre compte de l’apport de Donnet et Coblence pendant cette période. Je n’ai manqué aucun des « colloques de Deauville » depuis que, devenu membre de la SPP, j’ai eu la possibilité d’y assister en octobre 1985. Quand j’ai posé ma candidature, j’avais donc l’expérience de 28 colloques successifs, comme simple participant, mais aussi comme intervenant, à trois reprises, à l’invitation de René Diatkine : « Destins du transfert » ; d’André Green : « Destins du passé » ; et de Jean-Luc Donnet : « Le transfert latéral », mais aussi comme modérateur lorsque la maladie a frappé René Diatkine et l’a empêché de venir au colloque. C’est certainement à Deauville que j’ai compris le plus de choses sur les plans cliniques et théoriques, sur l’articulation entre clinique et théorie, mais aussi sur les modes de pensée de chacun, sur les différentes façons de prendre un matériel clinique. La liberté de parole que donne le nombre limité de participants et le fait d’être déjà tous membres de la SPP sont extrêmement précieux. Je me rappelle une empoignade à propos d’un rêve de frigidaire rapporté par Neyraut comme exprimant la froideur, mais interprété par Favreau comme exemple de représentation par son contraire et donc expression d’amour ; ou encore la liberté de Michel Fain racontant une interprétation qu’il avait reçue de Lagache : lui racontant un rêve dans lequel apparaissait le mot « phényléthylmalonylurée » il avait entendu Lagache lui dire : « Fain est-il mâle »…

Liberté d’expression permettant d’exposer des cas cliniques dans un but de réflexion et non dans une atmosphère inquiète de supervision ou de critique.

RFP : Quelle est la spécificité selon vous de ce colloque par rapport aux autres ?

Paul Denis : Sa spécificité résulte de son cadre, lequel est défini par son unité de temps : trois demi-journées, son unité de lieu : une salle de réunion délocalisée par rapport à Paris, un effectif limité à environ 100 personnes, toutes membres de la SPP (le colloque n’est donc pas ouvert aux analystes en formation). Ces trois paramètres favorisent l’investissement des échanges cliniques et théoriques et aussi interpersonnels. Si tout le monde ne se connaît pas, le cadre est propice aux échanges et à la connaissance des façons de penser ou de travailler des uns et des autres, tant pendant les séances proprement dites du colloque que pendant les pauses et repas. Le contenu de ce cadre est aussi spécifique : trois exposés cliniques illustratifs d’une question théorico-clinique : confrontation donc entre un matériel clinique et la ou les théorisations qui en ont guidé le recueil et qui peuvent en être déduites. La règle introduite par René Diatkine est d’exclure les interventions préparées à l’avance. Seul l’organisateur et les intervenants principaux connaissent le texte des trois exposés, la discussion se développe spontanément et la non préparation oblige à des interventions et questions brèves. Un grand nombre d’interventions est ainsi possible. Certaines pourront être développées ultérieurement et proposées à la publication dans la RFP. C’est le dernier point spécifique de ce colloque que de donner lieu à un numéro de la RFP construit à partir et autour du thème du colloque.

RFP : Quelles idées aviez-vous concernant la manière de l’organiser ?

Paul Denis : Mon idée a été celle d’un retour aux sources : choisir des intervenants parmi les membres de la SPP. René Diatkine, Green et Donnet ont occasionnellement invité des personnalités, membres de l’API, mais appartenant à d’autres sociétés, cela a toujours été très intéressant, mais j’ai préféré, en invitant seulement des membres de la SPP, donner à ceux-ci l’occasion de présenter leur clinique et leurs réflexions personnelles, et ne pas redoubler le rôle du CPLF, celui d’échanges entre sociétés.

RFP : Comment avez-vous choisi les thèmes ?

Paul Denis : L’une des contraintes qui pèsent sur le choix du thème est de ne pas redoubler des sujets récemment traités dans la RFP, puisque le thème du colloque donne lieu à un numéro de la revue. J’ai recherché des sujets peu abordés, liés à la clinique de la cure psychanalytique proprement dite, par exemple « L’autoérotisme en défaut » ou « Les fantasmes sadiques dans la cure » ; ou encore j’ai proposé, comme premier thème et en hommage à Jean-Luc Donnet, la question de la psychophobie sur laquelle il n’y avait jamais eu de numéro de la RFP ; le dernier thème abordé a été « De l’envie » qui n’avait pas été non plus l’objet d’un numéro qui lui soit consacré. J’ai à chaque fois cherché des intervenants qui étaient en mesure de présenter la clinique d’une cure à trois séances par semaine. Il me semble en effet très important de garder à l’esprit, et de montrer, que le dispositif classique de l’analyse apporte des changements qu’il est seul à pouvoir développer.

RFP : Quelles sont les difficultés que vous avez pu rencontrer et les souvenirs marquants que vous en gardez ?

Paul Denis : S’il est aisé de trouver des intervenants pouvant présenter une cure à 3 séances par semaine sur un thème comme « l’interprétation » ou « le transfert », il est plus difficile de trouver lorsqu’il s’agit de thèmes plus ciblés comme « l’envie ». Les souvenirs marquants que j’en garde sont ceux du plaisir à échanger avec les intervenants, ceux de leur confiance et de leur souci de faire fonctionner le colloque à partir de leurs cas et de leurs réflexions.

Les difficultés que j’ai rencontrées ont été dans l’animation du colloque lui-même. Comment favoriser un ordre des interventions qui ait une certaine cohérence, comment éviter qu’un intervenant prenne trop de temps, comment être éventuellement critique sans être blessant. J’ai toujours cherché à reprendre ce qu’il y avait d’intéressant dans une intervention maladroite ou approximative. Toute maladresse d’une intervention correspond en fait à une question qu’il faut pouvoir expliciter.

J’ai eu un très grand intérêt et un très grand plaisir à organiser et à faire vivre chacun de ces huit colloques René Diatkine que j’ai eu le privilège de mettre en place.