La Revue Française de Psychanalyse

Freud dans le texte

Freud dans le texte

Une épreuve de patience pour le médecin

« Le surmontement des résistances, on le sait, s’engage du fait que le médecin met à découvert la résistance qui n’a jamais été reconnue par l’analysé et qu’il communique au patient. Or il semble que les débutants en analyse soient enclins à considérer cette étape de l’engagement comme la totalité du travail. J’ai souvent été consulté dans des cas où le médecin se plaignait de ceci : il avait fait voir au malade sa résistance, et pourtant rien ne s’était modifié, et même la résistance s’était considérablement renforcée, et toute la situation était devenue encore plus impénétrable. La cure, disait-il, semblait ne pas avancer. Or cette attente pessimiste se révélait souvent erronée. En règle générale, la cure se poursuivait on ne peut mieux ; le médecin avait seulement oublié que le fait de nommer la résistance peut ne pas avoir pour conséquence la cassation immédiate de celle-ci. On doit laisser au malade le temps de se plonger dans la résistance qui lui est inconnue, de la perlaborer, de la surmonter, tandis que, défiant la résistance, il poursuit le travail selon la règle fondamentale de l’analyse. C’est seulement au paroxysme de cette résistance que l’on découvre alors dans un travail commun avec l’analysé les motions pulsionnelles qui alimentent celle-ci, le patient se convainquant de l’existence et de la puissance de ces motions en vivant une telle expérience. Le médecin n’a alors rien d’autre à faire que d’attendre et de laisser s’accomplir un déroulement qui ne peut être évité et qui ne peut pas toujours non plus être accéléré. S’il tient fermement à cette vue des choses, il s’épargnera souvent l’illusion d’avoir échoué alors qu’il continue pourtant de conduire le traitement suivant la ligne correcte.

Cette perlaboration des résistances peut dans la pratique devenir une tâche ardue pour l’analysé et une épreuve de patience pour le médecin. Mais elle est pourtant cette partie du travail qui a pour effet la plus grande modification sur le patient et qui différencie le traitement analytique de toute influence exercée par la suggestion. Théoriquement on peut la mettre en parallèle avec l’ “abréaction” des montants d’affect restées coincés du fait du refoulement, processus sans lequel le traitement hypnotique demeurait sans influence. »

Freud, Remémoration, Répétition, Perlaboration (1914g), OCF-P, t. XII, Paris, Puf, 2005, p. 195-196,