La Revue Française de Psychanalyse

Freud dans le texte

Freud dans le texte

FREUD DANS LES TEXTES | Numéro 2024-2

Sigmund Freud, Construction dans l’analyse (extrait), OCF.P, XX, Paris, Puf, p. 69-70, 2010.

Il ne vaut guère la peine de présenter comment cela se produit dans la suite de l’analyse et par quelles voies notre supposition se transforme en conviction chez le patient ; cela est connu de tout analyste grâce à son expérience quotidienne et n’offre aucune difficulté de compréhension. Un seul point demande ici à être examiné et élucidé. La voie qui part de la construction de l’analyste devrait se terminer dans le souvenir chez l’analysé ; elle ne va pas aussi loin. Bien souvent, on ne réussit pas à amener le patient au souvenir du refoulé. En revanche, en conduisant correctement l’analyse on obtient chez lui une conviction assurée de la vérité de la construction, ce qui du point de vue thérapeutique a le même effet qu’un souvenir recouvré. Dans quelles circonstances cela a lieu et de quelle façon il est possible qu’un substitut apparemment imparfait produise quand même un plein effet, cela reste une matière pour une recherche ultérieure.

Je conclurai cette brève communication par quelques remarques qui ouvrent une nouvelle perspective. Ce qui m’a frappé dans quelques analyses, c’est que la communication d’une construction manifestement pertinente faisait apparaître chez les analysés un phénomène surprenant et d’abord incompréhensible. Il leur venait des souvenirs vivaces, qu’ils qualifiaient eux-mêmes d’« excessivement nets », mais ils se souvenaient non pas tant de l’évènement qui était le contenu de la construction que de détails voisins de ce contenu, par ex., avec une extrême précision, les visages des personnes mentionnées, ou les pièces dans lesquelles quelque chose de semblable aurait pu se passer, ou bien encore, un peu plus loin, le mobilier contenu dans ces pièces et dont la construction n’avait évidemment rien pu savoir.

Sigmund Freud, Les délires et les rêves dans la « Gradiva » de W. Jensen (extrait), OCF.P, VIII, Paris, Puf, p. 112, 2007.

Lorsque le malade croit si fermement à son délire, cela ne se fait pas par un renversement de sa capacité de jugement et ne provient pas de ce qui est erroné dans le délire. Au contraire, dans tout délire se loge un petit grain de vérité, c’est quelque chose en lui qui mérite effectivement créance, et cela est la source de la conviction du malade qui est donc si amplement justifiée. Mais cet élément vrai a été pendant longtemps refoulé ; quand il réussit enfin, cette fois sous un aspect déformé, à pénétrer jusqu’à la conscience, le sentiment de conviction qui lui est attaché est excessivement fort, comme pour obtenir dédommagement, il s’attache au substitut par déformation de l’élément vrai refoulé, et il protège ce substitut contre toute attaque critique. La conviction se déplace en quelque sorte de l’élément vrai inconscient sur l’élément erroné conscient qui lui est connecté, et elle demeure fixée là, justement par suite de ce déplacement.