En librairie Nov, 2017PsyDe

Psychanalyse et terrorisme
L’effroi peut-il s’élaborer ?

Trois questions à Evelyne Chauvet, co-directrice de l’ouvrage.

Rfpsy : Malgré sa triste actualité, il n’y a pas eu beaucoup de publications interrogeant le travail du psychanalyste dans le contexte d’effroi suscité par le terrorisme. Est-ce ce qui a motivé le projet de ce livre ? Pourriez-vous revenir sur sa genèse ?

Evelyne Chauvet : Le thème de cet ouvrage a été, aux tout débuts, lié à la nécessité d’une réflexion psychanalytique commune mais aussi partageable par rapport au traumatisme des premiers attentats de 2015. Nous étions dans le présent du traumatisme, dans la nécessité psychique d’affronter ses effets au même titre que tout un chacun, mais en même temps, nous étions fortement sollicités en tant que psychanalystes-thérapeutes par nos patients pour les aider à retrouver une capacité de penser et à dépasser l’état de sidération dans lequel les évènements les avaient plongés. Car le traumatisme et l’effroi qui s’ensuit coupent de soi et des autres. Il faut un long travail psychique pour retisser des liens internes et des relations avec le monde extérieur, pour rebasculer du côté de l’investissement et de la vie. C’est ce que nous avons voulu mettre au cœur de cette réflexion psychanalytique.

 

Rfpsy : L’une des questions posées par ce livre n’est-elle pas justement celle du temps ? Comment être psychanalyste dans l’immédiateté du trauma ?

Evelyne Chauvet : Cet ouvrage aura peut-être permis une réflexion commune sur les bases à construire ensemble pour un (ou des) après-coup du trauma à partir d’un travail psychique partagé dans le temps même du trauma. Immédiateté et trauma sont presque synonymes. Il s’agit bien en effet d’une attaque du sujet dans son vécu du temps, de continuité interne profonde, qui passe toujours par une auto-perception de sa propre continuité temporelle.  Le temps du trauma est celui où la temporalité est attaquée. L’actualité récente qui faisait vivre le traumatisme en continu nécessite un long travail analytique pour reconstruire une temporalité interne nouvelle ré-articulant en l’intégrant, l’actuel traumatique avec le passé qui ouvrira la possibilité d’un futur.

 

Rfpsy : Le psychanalyste est-il légitime pour aborder une question qui engage tellement le collectif ?

Evelyne Chauvet :  Les psychanalystes ont toujours croisé la dimension collective et la dimension intime des traumatismes dans leurs réflexions théoriques comme dans leur approche thérapeutique. Freud a été fortement marqué par les névroses de guerre aussitôt après la Première Guerre mondiale, et ses nombreux ouvrages à ce sujet en témoignent jusqu’à son texte testamentaire Moise et le monothéisme.  Son œuvre est traversée par une réflexion sur les articulations des deux dimensions collective et individuelle inhérentes aux traumatismes où la destructivité de masse exige de redonner une identité individuelle à ceux qui en étaient victimes.  Le psychanalyste est toujours engagé à travailler les répercussions du trauma sur la scène interne, mais dans un lien incessant, en allers et retours, entre l’actuel traumatique et l’histoire intime, sans minimiser l’événement de réalité lui-même.

 

L’ouvrage

Depuis les attentats de 2015, la question se pose de savoir ce que peut la psychanalyse en temps d’effroi. Elle qui éclaire l’intime et s’établit dans la durée, on la pourrait croire indifférente au traitement de l’urgence et des violences sociales. Pourtant, la pensée qu’elle soutient débusque la perversion des idéaux dans ses déchaînements mortifères, tout en favorisant le dégagement du trauma tant collectif qu’individuel. Cet ouvrage  offre au lecteur un éclairage sur le concours qu’apporte la psychanalyse à la relance de la vie intérieure. Elle part d’une essentielle reconnaissance de l’effroi, passe par un temps qui n’est que de survie pour conduire enfin au retour à la vie psychique. Malgré tout. A tout prix.

 

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